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    "La fée du robinet"

    Où l’on fait la connaissance d’un mécène très porté sur l’eau de source.

     

    En flânant dans Paris, on peut facilement tomber sur l’une d’entre elles. Ces fontaines vert sapin sont devenues célèbres sous le nom de “fontaines Wallace”. Leur présence est si familière qu’elles en deviennent invisibles…
    Que font ces fontaines au nom anglais dans les rues de la capitale ?

    Il faut remonter à la fin du XIXe siècle. En 1871, Paris se relève péniblement d’une défaite contre la Prusse et d’une guerre civile, la Commune.
    Ces deux événements historiques violents ont privé la capitale d’eau potable.

    Charles-Auguste Lebourg, Fontaine Wallace, Paris

    Le Sir anglais Richard Wallace, présent à Paris dans ces moments difficiles, a été marqué par cette terrible pénurie… Le philantrope décide d’offrir à la ville un beau cadeau : cinquante fontaines d’eau potable, qu’il finance en intégralité !

    Grand amateur d’art et esthète, Sir Wallace veille au moindre détail. Il dessine lui-même le modèle, puis en confie la réalisation au sculpteur Lebourg.
    Les fontaines se distinguent par quatre cariatides, des femmes-colonnes gracieuses entourant le filet d’eau.

    En 1872, la toute première “fontaine Wallace” est installée boulevard de la Villette. Et elle est immédiatement adoptée par les Parisiens ! Surnommée "la brasserie des quatre femmes", chaque fontaine comporte de petits gobelets d’étain retenus par une chaînette.

    Cet accès à l’eau devient bien vite un lieu de rencontre. Les Parisiens viennent y discuter, partager leurs idées et surtout, les gobelets en étain !

     Personnes se désaltérant à une fontaine Wallace à Paris lors de la revue du 14 juillet, 1911, photographie (négatif sur verre), 13 x 18 cm, Bibliothèque nationale de France, Paris

    Aujourd'hui, les gobelets ont disparu pour des raisons d’hygiène mais l'eau est toujours potable. Les fontaines ont essaimé dans le pays et se sont exportées à travers le monde.

    Certains particuliers sont même allés jusqu’à en installer dans leur propre jardin !

    Charles-Auguste Lebourg, fontaine Wallace, Paris, Détail des cariatides


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  • Bon mercredi !

     

    "Vue imprenable"

    Ou l’on découvre comment Gustave Eiffel s’est fait payer le meilleur duplex de Paris.

    Le 31 mars 1889, à quelques semaines de l’ouverture de l’Exposition universelle de Paris, on inaugure la tour Eiffel. Son concepteur, l’ingénieur Gustave Eiffel, peut fêter l’événement : il a réussi son pari !

    Mais en cette journée de printemps, il a une raison supplémentaire de se réjouir… car cette date est aussi la pendaison de crémaillère de son nouvel appartement.

    Tour Eiffel vue depuis le Trocadéro, 1889, Bibliothèque du Congrès

    Perché au quatrième étage, à presque 300 mètres du sol, ce logement est le plus haut du monde ! Et avec plus de 100 mètres carrés, les invités peuvent être nombreux.

    Pourtant, Gustave se garde bien d’y faire monter tous les curieux qui lui en font la demande. Il refuse même de lucratives propositions de location courte durée venant de personnages très influents.

     Les Appartements de M. Eiffel à la plate-forme du quatrième étage (285 mètres du sol) Musée d’Orsay, Paris

    Cette vue imprenable, Gustave ne l’offre qu’à ceux dont il a envie de partager la compagnie. Il reçoit ainsi Thomas Edison, le célèbre scientifique inventeur du phonographe, et lui montre le laboratoire météorologique qu’il s’est installé.
    Mais s’il y en a une à qui Gustave ne ferme jamais sa porte, c’est Janine… son arrière-petite-fille. De santé fragile, elle serait venue chaque semaine y prendre un grand bol d’air frais !

    De cet appartement bourgeois, il ne reste aujourd’hui presque plus rien. Peu à peu, les locaux techniques nécessaires au bon fonctionnement des antennes ont grignoté l’espace.

    Pour les plus courageux ou les plus curieux, il est tout de même possible d’en voir un dernier fragment. En montant le petit escalier depuis la troisième plateforme, on peut jeter un œil à travers les fenêtres. Mais comme au temps d’Eiffel, il ne faut pas espérer y mettre les pieds !

    Edward Linley Sambourne, Caricature de Gustave Eiffel en forme de tour Eiffel, 1889, Bibliothèque du Congrès, Washington


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  • Bon mardi !

     

    "Grosses têtes"

    Où l’on découvre comment sculpter une montagne.

    Les randonneurs qui visitent le parc national des Black Hills, aux États-Unis, sont émerveillés par sa beauté. Mais ce n’est pas forcément l’attrait pour la verdure qui les fait venir ici.
    C’est plutôt la rencontre avec le Mont Rushmore, dans lequel sont sculptés… les portraits de quatre célèbres présidents américains. Que font Washington, Jefferson, Roosevelt et Lincoln sur une montagne ?

    Guzton Borglum, Mont Rushmore, 1927-1941, granit, 18 m de haut, Parc national des Black Hills, Keystone

    Les quatre chefs d’État sont difficiles à rater : leurs visages font plus de 18 mètres de haut !
    Taillés dans la roche du Mont Rushmore, les portraits sont un hommage à ces présidents iconiques de l’histoire des États-Unis.
    Pourtant cela peut sembler une étrange idée de les célébrer sur une montagne. Qui peut bien en être l’auteur ?

    C’est un historien de la région qui, en 1923, propose la création de cette œuvre titanesque. Sauf qu’il n’est pas très manuel… Il fait appel à un sculpteur, Guzton Borglum, qui accepte de relever le défi. Les 1 745 mètres d’altitude ne lui font pas peur !

    Avec l’aide de plusieurs centaines de personnes, il enlève de la montagne 450 000 tonnes de pierre à la dynamite.
    Pendant quatorze ans, les ouvriers s’appliquent à façonner ces visages dans le granit. Installés dans des chaises suspendues par des câbles, les ouvriers n’ont pas le droit à l’erreur. Un faux mouvement peut leur être fatal !

    Ouvriers sur le visage de Georges Washington, Mont Rushmore, vers 1932, photographie, Library of Congress, Washington

    Heureusement, durant toutes ces années, aucun malheur n’est arrivé. Et le résultat est saisissant.
    Quel dommage que son créateur, Guzton Borglum, n’ait pu le voir achevé : il s’éteint quelques mois avant l’inauguration. Son fils reçoit la mission de terminer son ouvrage… Son prénom ? Lincoln, pardi !

    Détail de l’œuvre


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  • Bon mardi !

     

    "Préjugés !"

    Où l’on apprend que Victor Hugo est un fiancé un peu trop soucieux.

    En 1822, Victor Hugo a tout juste 22 ans. Le jeune homme est secrètement fiancé à Adèle Foucher. Pour lui, la jeune fille est absolument parfaite ! Il lui trouve seulement un inquiétant défaut : sa passion pour le dessin…

    Adèle Foucher a même un certain talent, comme le prouve le portrait qu’elle fait de son fiancé Victor.
    Pour qu’elle puisse se perfectionner, ses parents l’ont placée chez une portraitiste, Julie Duvidal de Montferrier. Même si cette dernière jouit d’une belle réputation, Victor Hugo est préoccupé…

    Adèle Foucher, Portrait de Victor Hugo, 1820, pierre noire et craie blanche sur papier, localisation inconnue

    L’admiration d’Adèle pour sa professeure l’inquiète. Dans la société de l’époque, le statut d’artiste est assez mal perçu. Surtout pour une femme ! Victor Hugo demande donc à Adèle de ne plus fréquenter la peintre. Pour lui, ce serait une catastrophe qui ternirait la réputation de la jeune femme.

    Il écrit à sa fiancée : "Convient-il à une femme de descendre dans la classe des artistes, classe dans laquelle se rangent les actrices et les danseuses ?"
    En d’autres termes, les femmes de mauvaise vie…

    Julie Duvidal de Montferrier, Portrait d’Adèle Foucher, 46x34 cm, vers 1820, Maison de Victor Hugo

    Heureusement, Adèle désobéit à Victor. Julie Duvidal continue à lui donner des leçons, en parallèle de sa carrière de portraitiste. Finalement, Victor Hugo apprend à connaître Julie et compose pour elle plusieurs poèmes. Elle finit même par devenir un membre de la famille Hugo puisqu’elle épouse le frère de Victor. Ainsi, l’artiste tant redoutée devient une belle-sœur bien-aimée !

    Quand à Victor, il succombera quelques années plus tard aux charmes d’une actrice… Faites ce que je dis, pas ce que je fais !

    Julie Duvidal de Montferrier, Autoportrait, 65x53 cm, 1818, Ecole Nationale supérieure des Beaux-arts, Paris


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  • Bonne semaine à tous !

     

    "La belle ou la bête ?"

    Où l’on découvre un cadeau diplomatique au poil.

    Un animal déguisé ? Une créature imaginaire ? Non, c’est seulement le portrait d’une fillette qui a véritablement existé ! Avec son visage recouvert de poils, la petite Antonietta Gonzales n’est pas une enfant tout à fait comme les autres.

    Pour tout comprendre, il faut revenir en 1547. Une grande fête est donnée pour le couronnement du roi de France Henri II. À cette occasion, de prestigieux cadeaux lui sont offerts. Dont un petit garçon à l’apparence étrange, rapporté des Îles Canaries…

    Lavinia Fontana, Portrait d’Antonietta Gonzales, vers 1595, huile sur toile, 57 x 46 cm, Musée du Château de Blois

    La cour est sous le choc : l'enfant est entièrement velu ! C’est un véritable “homme sauvage”, une créature légendaire entre l’homme et l’animal.
    La créature est étudiée sous tous les angles. Stupeur : ce n’est pas un dangereux loup-garou mais un garçon terrifié qui se nomme Pedro Gonzales.

    Éduqué et anobli, il participe au prestige de la cour royale par sa rareté. Jusqu’à ce que la reine Catherine de Médicis décide de trouver une épouse au “sauvage du roi”.

    Anonyme, Pedro Gonzales, 1580, huile sur toile, 190 x 80 cm, Kunsthistorisches Museum, Vienne

    La fiancée, d’abord effrayée, tombe finalement sous le charme de Pedro… C’est cette histoire qui serait à l’origine du célèbre conte La Belle et la Bête !

    De cette union naissent sept enfants, dont quatre sont aussi velus que leur père. C’est le cas d’Antonietta, qui est offerte en cadeau diplomatique à la maîtresse du duc de Parme, en Italie.

    Joris Hoefnagel, Pedro Gonzales et sa femme, Animalia Rationalia et Insecta (Ignis), 1575-1580, National Gallery of Art, Washington

    Dans cette cour, la fillette rencontre la célèbre peintre Lavinia Fontana, qui fait son portrait. Cette artiste de la Renaissance peint de manière réaliste les traits d’Antonietta, figée dans sa luxueuse robe de cour.

    Quelques siècles plus tard, on identifie enfin l’origine de leur pilosité. Loin d’être des sauvages, les Gonzales étaient atteints d’une maladie rare, l’hypertrichose.

    Lavinia Fontana, Portrait d’Antonietta Gonzales, vers 1595, huile sur toile, 57 x 46 cm, Musée du Château de Blois. Détail de l'œuvre

    Lavinia Fontana, Autoportrait au clavicorde, 1577, huile sur toile, 27 x 24 cm, Académie de saint Luc, Rome

     

     

     


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