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    "C'est flou !"

    Où l’on découvre que cela prend du temps de peindre l’instant.

    Une journée ensoleillée et des couples qui dansent joyeusement. Cette toile peinte en 1876 par Renoir représente un bal au moulin de la Galette, à Montmartre.

    L’écrivain Georges Rivière en dira : "C'est une page d'histoire, un monument précieux de la vie parisienne, d'une exactitude rigoureuse". Exactitude, vraiment ?

    Pierre-Auguste Renoir, Bal du moulin de la Galette, 1876, huile sur toile, Musée d’Orsay, Paris

    Pourtant, la peinture n’est pas très exacte… Tout est flou ! Comme si Renoir l’avait peinte en quelques instants. Or c’est tout le contraire ! Il lui a fallu plusieurs mois pour en venir à bout.

    Surtout que l’artiste s’est lancé un véritable défi : peindre le tableau en plein air. Pour cela, il n’hésite pas à escalader la butte avec sa grande toile et son encombrant chevalet, pour se poster dans un endroit très venteux.

    Pierre-Auguste Renoir, Bal du moulin de la Galette, 1876, huile sur toile, Musée d’Orsay, Paris. Détail de l’œuvre

    Finalement, ce qui donne ce sentiment d’exactitude, c’est justement la fidélité avec laquelle Renoir a su retranscrire l’ambiance festive de cette guinguette. La foule se retrouve dans ce lieu à la mode pour se divertir, boire… et flirter !
    Toute cette énergie est traduite par le flou et les effets de lumière sur les danseurs. Cela valait la peine de se donner autant de mal !

    Pierre-Auguste Renoir, Bal du moulin de la Galette, 1876, huile sur toile, Musée d’Orsay, Paris. Détail de l’œuvre


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    "Plan à trois"

    Où l’on découvre l’art de s’incruster dans une conversation.

    Vous est-il déjà arrivé de discuter longuement avec un ami, assis dans un canapé ? Complètement tourné vers son interlocuteur, on ne se trouve pas dans une position très confortable...

    Heureusement, des ébénistes du XIXe siècle se sont penchés sur la question. Ils ont inventé un type de fauteuil qui permet à deux personnes de bavarder confortablement, face à face. Finis les torticolis !

    Siège dit "Confident", Second Empire

    Avec sa forme en S, ce siège curieux rapproche les deux interlocuteurs et favorise les secrets… C’est d’ailleurs ce qui lui a donné son nom : le "Confident".
    Aussi appelé "Vis-à-vis", ce meuble original est créé sous le Second Empire. À cette époque, la mode est aux intérieurs luxueux et dorés. On aime les fauteuils moelleux, recouverts de lourds velours aux couleurs intenses. C’est un grand succès !

    Napoléon Joseph Quignon, Siège dit "Confident", XIXe siècle, Palais de Compiègne

    Les artisans de l’époque ne se sont pas arrêtés en si bon chemin. Ils décident de prendre le "Confident" et d’y ajouter une place supplémentaire… Le fauteuil prend alors une forme d’hélice, où trois sièges sont enroulés en spirale.
    Et cette fois, devinez son nom ? C’est l’"Indiscret", exactement comme cette troisième personne qui débarque dans une conversation intime !

    Siège dit "Indiscret", Second Empire

    Ce siège surprenant connaît lui aussi une grande popularité sous le règne de Napoléon III. Au point qu’on le retrouve dans plusieurs résidences de l’Empereur.
    D'autres sont disséminés dans les appartements de son ministre, au Louvre. L'histoire ne dit pas qui, du ministre ou de l'Empereur, était l'Indiscret...

    Siège dit "Indiscret", XIXe siècle, Appartements Napoléon III, Musée du Louvre, Paris


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  • Bon mardi !

     

    "Un bouquet de 200 m²"

    Où l’on fait la connaissance d’un "vieux maboul".

    France, 1918. L’Armistice est signé et le pays a gagné la Première Guerre mondiale. La population pleure ses morts et aspire désormais à la paix. Le peintre impressionniste Claude Monet est lui aussi soulagé. Il tient à participer au maintien de la paix, mais d’une manière bien personnelle…

    Cela fait trente ans que Monet est confortablement installé dans sa maison à Giverny. Il aime particulièrement le bassin de nénuphars qu’il a créé. Très inspiré, il peint des Nymphéas par centaines !
    Les peintures sont variées mais toutes apaisantes. Et c’est justement cette caractéristique qui donne une idée à Monet…

    Jacques-Ernest Bulloz, Claude Monet à Giverny, 1905

    Dès le lendemain de l’Armistice, Monet envoie une lettre à son grand ami Clemenceau, le chef du gouvernement qui a mené la France vers la victoire. Il lui annonce son intention originale : offrir à la France deux gigantesques peintures de nymphéas !

    Universelles et intemporelles, ces vastes toiles seront le parfait symbole de la paix.

     Claude Monet, Les Nymphéas : Matin, vers 1915-1926, huile sur toile, Musée de l’Orangerie, Paris. Détail de l’œuvre

     

    Enthousiaste, Clemenceau accepte. Il aurait même convaincu Monet de créer six toiles de plus ! Le résultat : un décor monumental où l’on peut s’immerger dans cette nature apaisante…

    Mais le peintre, "ce vieux maboul" comme l’appelle affectueusement Clemenceau, n’entend finalement pas donner ses chers Nymphéas si facilement.

    Au musée de l’Orangerie, il surveille de près les travaux d’aménagement des salles qui seront dédiées à ses œuvres. Mais il refuse de se séparer des Nymphéas avant son décès ! C’est donc seulement en 1926 que les toiles sont exposées.

    Mieux vaut tard que jamais : la France aura donc ce gigantesque "bouquet de fleurs" pour la paix !


    Claude Monet, Les Nymphéas : Le Matin clair aux saules, vers 1915-1926, huile sur toile, Musée de l’Orangerie, Paris. Détail de l’œuvre

     

    1920-1926, musée de l'Orangerie

     


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  • Bonne semaine à tous !

     

    "Entrée interdite"

    Où l’on découvre qu’artiste est un métier dangereux.

    Il y a des artistes casaniers qui ne mettent jamais le nez hors de leur atelier. Et il y a ceux qui, au contraire, sont de véritables aventuriers. La photographe Gina Soden fait indéniablement partie de cette seconde catégorie. Son truc, ce sont les ruines : châteaux, bâtiments industriels, hôtels… Peu importe le sujet, du moment que le passage du temps y a fait son œuvre. Mais cette passion n’est pas sans danger !

    À la recherche du cliché parfait, Gina Soden est prête à prendre des risques. La photographe n’hésite pas à s’introduire dans ces endroits fermés au public. Pour parvenir à ses fins sans se faire remarquer, elle doit trouver l’entrée la plus discrète pour se faufiler. Il peut parfois s’agir d'une minuscule lucarne !

    Gina Soden, Grand Piano, 2015, impression sur papier

    Une fois à l’intérieur de l’édifice, la partie n’est pas encore gagnée. La détérioration avancée des lieux peut les rendre dangereux.
    Par exemple, pour réaliser le cliché Care Home, la photographe était en équilibre sur un parquet moisi, qui aurait pu s’effondrer à tout moment.

    Gina Soden, Care Home, 2012, impression sur papier

    Ce n’est pas tout : pour obtenir la lumière idéale, Gina Soden n’hésite pas à dormir sur place pour capturer les premiers rayons de soleil du matin. Elle transmet dans ses photographies l’ambiance particulière qui émane de chacun de ces lieux abandonnés.

    Et tous ces édifices, comment les trouve-t-elle ? Soden passe beaucoup de temps à préparer ses voyages en Europe. Elle utilise notamment un logiciel permettant de parcourir la surface de la Terre grâce à des images-satellites. "Exactement comme un oiseau !", explique l’artiste.

    Gina Soden, Bath House, 2014, impression sur papier

    La photographe britannique Gina Soden parcourt l’Europe à la recherche des bâtiments abandonnés les plus insolites : hôpitaux, asiles, usines ou églises abandonnés. Grâce à des compositions étudiées et une approche d’une grande poésie, l’artiste confère à ces ruines une beauté teintée de mélancolie. Les couleurs sont éclatantes, la lumière parfois éblouissante, et le chaos environnant semble apaisé. Depuis 2010, le travail de Gina Soden a reçu de nombreuses distinctions et a été exposé à Londres, mais aussi à Hong Kong et Moscou.

     

     L’artiste Gina Soden

     
     
     

     

     
     
     

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  • Bon mercredi !

     

    "Délit de faciès"

    Où l’on s’amuse des manigances d’un collectionneur.

     

    Un jour de 1952, alors qu’il visite une galerie parisienne, l’écrivain Edmond Frank éprouve une étrange sensation…
    Parmi les tableaux exposés, il en découvre un qui le représente. Pourtant, à côté de cette toile signée du Douanier Rousseau, il est indiqué Portrait de Pierre Loti. Edmond est-il victime d’hallucination ?

    Les propriétaires de la galerie auraient préféré ! A cette époque les tableaux du Douanier Rousseau ne sont pas très cotés. Si la toile a de la valeur, c'est parce qu'elle figure Pierre Loti, le célèbre auteur de Pêcheurs d’Islande… et pas le presque inconnu Edmond Frank !

    Henri Rousseau (Le Douanier), Portrait de Monsieur X, vers 1906, huile sur toile, Kunsthaus, Zürich

    Malheureusement pour les galeristes, Edmond avance des arguments crédibles : la séance de pose s’est déroulée chez lui, en 1906. Le paysage de banlieue de l’arrière-plan, avec ses quatre cheminées d’usines, c’est celui qu’il voit de ses fenêtres !

    Mais alors, pourquoi cette confusion ? En fait, le tableau qu’Edmond Frank découvre dans cette galerie parisienne est une copie que le Douanier a réalisée plus tard.
    D’ailleurs, l’original, Edmond l’a détruit parce qu’il le jugeait sans valeur...

    Henri Rousseau (Le Douanier), Portrait de Monsieur X, vers 1906, huile sur toile, Kunsthaus, Zürich. Détail de l’œuvre

    Et cette copie, quelle est donc son histoire ? Entre alors en scène Courteline, l'auteur de vaudevilles... Il achète ce portrait chez un brocanteur pour son "musée des horreurs".
    Comme le personnage porte une moustache à la turque, un chapeau traditionnel ottoman et qu’il est accompagné d’un chat, Courteline fait semblant d’y reconnaître Pierre Loti.

    Henri Rousseau (Le Douanier), Portrait de Monsieur X, vers 1906, huile sur toile, Kunsthaus, Zürich. Détail de l’œuvre

    L’homme au tempérament d’aventurier est effectivement connu pour avoir eu une double passion : la Turquie et les chats ! Par ce petit tour de passe-passe, Courteline augmente la valeur de son tableau ! Tant pis si le pauvre Edmond y perd son identité…


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