• Bon mercredi !

     

    "Délit de faciès"

    Où l’on s’amuse des manigances d’un collectionneur.

     

    Un jour de 1952, alors qu’il visite une galerie parisienne, l’écrivain Edmond Frank éprouve une étrange sensation…
    Parmi les tableaux exposés, il en découvre un qui le représente. Pourtant, à côté de cette toile signée du Douanier Rousseau, il est indiqué Portrait de Pierre Loti. Edmond est-il victime d’hallucination ?

    Les propriétaires de la galerie auraient préféré ! A cette époque les tableaux du Douanier Rousseau ne sont pas très cotés. Si la toile a de la valeur, c'est parce qu'elle figure Pierre Loti, le célèbre auteur de Pêcheurs d’Islande… et pas le presque inconnu Edmond Frank !

    Henri Rousseau (Le Douanier), Portrait de Monsieur X, vers 1906, huile sur toile, Kunsthaus, Zürich

    Malheureusement pour les galeristes, Edmond avance des arguments crédibles : la séance de pose s’est déroulée chez lui, en 1906. Le paysage de banlieue de l’arrière-plan, avec ses quatre cheminées d’usines, c’est celui qu’il voit de ses fenêtres !

    Mais alors, pourquoi cette confusion ? En fait, le tableau qu’Edmond Frank découvre dans cette galerie parisienne est une copie que le Douanier a réalisée plus tard.
    D’ailleurs, l’original, Edmond l’a détruit parce qu’il le jugeait sans valeur...

    Henri Rousseau (Le Douanier), Portrait de Monsieur X, vers 1906, huile sur toile, Kunsthaus, Zürich. Détail de l’œuvre

    Et cette copie, quelle est donc son histoire ? Entre alors en scène Courteline, l'auteur de vaudevilles... Il achète ce portrait chez un brocanteur pour son "musée des horreurs".
    Comme le personnage porte une moustache à la turque, un chapeau traditionnel ottoman et qu’il est accompagné d’un chat, Courteline fait semblant d’y reconnaître Pierre Loti.

    Henri Rousseau (Le Douanier), Portrait de Monsieur X, vers 1906, huile sur toile, Kunsthaus, Zürich. Détail de l’œuvre

    L’homme au tempérament d’aventurier est effectivement connu pour avoir eu une double passion : la Turquie et les chats ! Par ce petit tour de passe-passe, Courteline augmente la valeur de son tableau ! Tant pis si le pauvre Edmond y perd son identité…


    15 commentaires
  • Bon mardi !

     

    "Il ne faut pas m’embêter…"

    Où l’on découvre qu’il ne faut pas enquiquiner la copine de Jupiter.

     

    Il est là, juste devant le château de Versailles. Impossible de le manquer !
    C’est le vaste bassin de Latone, récemment restauré.

    Recouverte de grenouilles, la fontaine nous raconte une histoire particulièrement chère au roi Louis XIV…

    Gaspard et Balthazar Marsy, Bassin de Latone, Parterre de Latone, 1666-1670, châteaux de Versailles et de Trianon, Versailles

    Non, le Roi-Soleil n'éprouve pas une passion secrète pour les batraciens. Il s’agit plutôt d’une représentation du mythe antique de Latone, qui donne son nom au bassin.
    Latone est l’amante du dieu Jupiter dont elle a deux enfants, Diane et Apollon. L’épouse légitime du dieu, folle de rage, condamne la malheureuse à l’exil.

    Au cours de sa fuite, Latone s’arrête avec ses deux bébés près d’un étang pour se désaltérer. Comme les paysans du coin l’en empêchent, Latone désespérée implore son divin amant de la venger. Et Jupiter transforme aussitôt les paysans… en grenouilles !

    C’est précisément ce moment que représente le bassin de Latone : les vilains paysans sont tous à des stades variés entre l’homme et la grenouille.
    Avec leurs visages déformés et leurs mains se transformant en pattes palmées, ils offrent un spectacle bien intrigant.

    Gaspard et Balthazar Marsy, Bassin de Latone, Parterre de Latone, 1666-1670, châteaux de Versailles et de Trianon, Versailles. Détail de l’œuvre

    Pourquoi Louis XIV a-t-il choisi cet étrange sujet ? Pour certains historiens, il s’agirait d’une évocation d’un épisode traumatisant de l’enfance du roi, la Fronde.
    Pendant cet évènement, les nobles se sont rebellés contre le pouvoir royal, contraignant la mère de Louis XIV à fuir avec son fils. Tout comme la malheureuse Latone !

    La fontaine montre donc aux nobles la punition qui les attend s’ils s’opposent au roi.

    Ainsi, avec ce bassin judicieusement placé, le message est bien visible de tout le monde !

    Gaspard et Balthazar Marsy, Bassin de Latone, Parterre de Latone, 1666-1670, châteaux de Versailles et de Trianon, Versailles. Détail de l’œuvre

     


    13 commentaires
  • 1er avril


    14 commentaires
  • Bon mercredi !

     

    Aujourd'hui : "Assourdissant"

    Où l’on découvre qu’un son peut être aveuglant.

    C’est à une scène curieuse que nous convie le peintre Olivier Masmonteil. Il représente une jeune femme assise sur une chaise, la tête enfouie dans les mains. Qui est-elle ? Serait-elle en train de pleurer ? Au contraire, nous assistons ici à un moment d’intense bonheur…

    Même s’il confesse une grande admiration pour les maîtres de la peinture classique, Masmonteil a aussi d’autres inspirations, comme les nouveaux médias. Ici, le sujet du tableau lui est venu en visionnant une vidéo devenue virale sur le net. On y découvre une série de personnes, sourdes de naissance, qui entendent pour la première fois la voix de leurs proches…

     Olivier Masmonteil, A blinding sound, 2015, huile sur toile

    L’une d’elles n’est autre que la jeune femme du tableau : alors qu’elle entend enfin la voix de son époux, un réflexe la pousse à se couvrir les yeux.
    Comme si en découvrant un nouveau sens, elle devait instinctivement en camoufler un autre. C’est pour cette raison que l’artiste a baptisé son œuvre A blinding sound (un son aveuglant).

    Dans son style à la fois réaliste et onirique, le peintre tente de capturer sur la toile une émotion extrêmement personnelle. L’œuvre s’intègre en effet à toute une série de tableaux traitant de l’intime.

    Finalement, alors que ce sujet pouvait sembler profondément mélancolique, il n’en est rien. L’artiste dépeint une image d’espoir et de joie intense. Il évoque même une toile d’un grand optimisme ! C’est aussi ce que nous indique le rayon de lumière qui se pose sur la jeune femme, comme une promesse…

    Olivier Masmonteil, A blinding sound, 2015, huile sur toile. Détail de l’œuvre

     


     

    18 commentaires
  • Bon mardi !

    "Pièce à conviction"

    Où l’on s’interroge sur de curieux liens de parenté.

     

    Une jeune fille, dans une belle robe argentée, nous tourne le dos. Assis sur une chaise rouge, un homme en habit militaire lui parle d’un air sérieux. La tête penchée, elle semble écouter d’un air penaud. Pas de doute, l’artiste hollandais Gerard ter Borch a représenté un père réprimandant sa fille !

    Le titre de ce tableau, La Remontrance paternelle, nous confirme cette interprétation. Pourtant, nous sommes bien loin de la réalité !

    Gerard ter Borch, La Remontrance paternelle (Conversation galante), vers 1654, huile sur toile, Amsterdam

    À y regarder de plus près, certains détails nous dévoilent une tout autre histoire… L’homme, par exemple, a l’air bien trop jeune pour être père. Et que signifie son geste de la main ?

    Dans une autre version de cette peinture, ce soldat tient en fait entre ses doigts une pièce de monnaie.

    Gerard ter Borch, La Remontrance paternelle (Conversation galante), vers 1654, huile sur toile, Rijksmuseum, Amsterdam. Détail de l’œuvre

    Ce détail nous met sur la piste. Les deux personnages ne seraient donc nullement un père et sa fille, mais plutôt une prostituée et son client !
    Et qui est ce personnage au milieu, qui sirote tranquillement son vin ? Loin d’être la mère de la jeune femme, elle serait en réalité une entremetteuse.

    Gerard ter Borch, La Remontrance paternelle (Conversation galante), vers 1654, huile sur toile, Amsterdam. Détail de l’œuvre

    Ainsi, la scène se déroulerait dans un bordel. Ter Borch, connu pour ses peintures de la vie quotidienne, laisse apparaître d’autres indices. Le grand lit à baldaquin, les accessoires de beauté et la robe très soignée de la jeune femme confirment qu’il ne s’agit pas du tout d’une dispute familiale.

    Le tableau a depuis été rebaptisé Conversation galante. Un titre autrement plus approprié !

    Gerard ter Borch, Conversation galante, vers 1654, huile sur toile, Petit Palais, Paris


    13 commentaires