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    La fleur       

    Pendant un certain temps, quelqu'un m'a donné, chaque dimanche, une rose que je portais à la boutonnière de mon complet. Comme je recevais toujours une fleur le dimanche, je ne m'y arrêtais pas vraiment. C'est un geste que j'appréciais, mais qui faisait partie de la routine. Or, un dimanche, ce que je considérais comme ordinaire devint très spécial.

     En quittant la messe, un jeune garçon s'approcha et s'adressa directement à moi: «Monsieur, qu'allez-vous faire avec votre fleur?»

     Au début, je ne saisissais pas ce qu'il voulait dire, puis je compris.

     Je dis: «Tu veux dire ceci?» en indiquant la rose fixé à mon manteau.

     Il répondit: «Oui, monsieur, j'aimerais l'avoir si vous avez l'intention de la jeter.» À ce moment, je souris et lui dis qu'il pouvait l'avoir; je lui demandai simplement ce qu'il comptait en faire. Le petit bonhomme, âgé d'à peine 10 ans, me regarda et dit: «Monsieur, je vais l'offrir à ma grand-mère. Ma mère et mon père ont divorcé l'an dernier et je vivais avec ma mère. Lorsqu'elle s'est remariée, elle a voulu que j'aille vivre avec mon père. C'est ce que j'ai fait pendant un moment, mais il a fini par dire que je ne pouvais pas rester et il m'a envoyé chez ma grand-mère. Elle est très bonne pour moi. Elle cuisine pour moi et prend soin de moi. Elle est tellement bonne pour moi que je veux lui donner cette belle fleur simplement parce qu'elle m'aime.

     Quand le petit garçon termina son histoire, je pouvais à peine parler. Mes yeux se remplirent de larmes et je savais que j'avais été touché au plus profond de mon âme. Je détachai la fleur et, la tenant dans ma main, je regardai le garçon et lui dit: «Fiston, c'est la chose la plus gentille qu'il m'ait été donné d'entendre, mais tu ne peux pas avoir cette fleur parce que ce n'est pas suffisant. Si tu vas devant la chaire, tu trouveras un gros bouquet de fleurs. Diverses familles les achètent pour l'église chaque semaine. Prends ces fleurs et offre-les à ta grand-mère parce qu'elle mérite ce qu'il y a de mieux.»

     Comme si je n'étais pas suffisamment ému, il ajouta une dernière remarque que j'apprécierai toujours: «Quelle merveilleuse journée! J'ai demandé une fleur et j'ai obtenu un magnifique bouquet.»

     Le pasteur John R. Ramsey


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     Le Dauphin    

    J'étais à environ 15 mètres sous la surface de l'eau, seule. Je savais que je n'aurais pas dû plonger seule, mais j'étais très compétente et j'ai pris un risque. Il n'y avait pas beaucoup de courant et l'eau était si chaude, si claire et si attirante. Quand une crampe m'a prise, j'ai tout de suite compris quelle bêtise j'avais faite. Je ne paniquais pas mais j'étais pliée en deux par des crampes d'estomac. J'ai tenté d'enlever ma ceinture de plomb, mais j'étais tellement mal en point que je n'arrivais pas à saisir l'ardillon. Je coulais, incapable de bouger, et j'ai commencé à prendre peur. Je pouvais voir ma montre et je savais que dans très peu de temps ma bouteille serait vide, je ne pourrais plus respirer. J'ai essayé de masser les muscles de mon ventre. Je ne portais pas la tenue de plongée, mais je ne pouvais pas me redresser et mes mains ne pouvaient pas atteindre les muscles contractés.   Je me disais: «Je ne peux pas partir comme ça! J'ai des choses à faire!» Je ne pouvais pas me laisser mourir de cette façon, en sachant que personne ne saurait jamais ce qui m'étais arrivé. J'ai crié au secours dans ma tête: «Au secours! N'importe qui, n'importe quoi, aidez-moi!»   Je m'attendais à tout sauf à ce qui s'est passé. Soudain j'ai senti quelque chose derrière moi qui poussait mon bras. «Oh non! pensai-je, des requins!» J'étais vraiment terrifiée, je me croyais perdue. Mais ce quelque chose soulevait mon bras irrésistiblement. Dans mon champ de vision apparut soudain un oeil, l'oeil le plus merveilleux qu'on puisse imaginer. Je jure qu'il souriait! C'était l'oeil d'un grand dauphin. En regardant dans cet oeil, j'ai su que j'étais sauvée.   Il se glissa sous mon bras et appuya sa nageoire dorsale dans le creux de mon aisselle. Alors j'ai pu relaxer en le serrant contre moi, immensément soulagée. Je sentais que l'animal me communiquait son propre sentiment de sécurité, qu'il me soignait en même temps qu'il me soulevait vers la surface de l'eau. Mes crampes d'estomac ont disparu durant l'ascension, au fur et à mesure que je me détendais, mais j'étais convaincue que l'animal y était aussi pour quelque chose.   À la surface de l'eau, il s'est dirigé vers la rive en continuant de me soutenir. Il m'a emmenée si près du bord que j'ai commencé à avoir peur qu'il s'échoue, alors je l'ai repoussé vers les eaux plus profondes, où il est resté pour s'assurer, je suppose, que tout allait bien.   On aurait dit qu'il m'avait donné une autre vie. En enlevant la bouteille d'air comprimé et la ceinture de plongée, j'ai enlevé tout le reste et je suis allée toute nue rejoindre le dauphin dans l'océan. Je me sentais si légère, libre et vivante et je n'avais qu'une envie: me baigner au soleil dans toute cette eau et dans toute cette liberté. Le dauphin m'a ramenée vers le large et s'est amusé dans l'eau avec moi. J'ai remarqué qu'il y avait plusieurs dauphins, un peu plus loin.   Au bout d'un certain temps, il m'a reconduite à la rive. J'étais fatiguée, presque à bout de souffle, et il s'est assuré que j'étais en sécurité dans l'eau peu profonde. Puis il s'est tourné de côté, et de profil son oeil me regardait fixement. Nous sommes restés dans cette position pour un temps qui m'a semblé très long, presque une éternité, comme en transe, avec des images de mon passé qui défilaient dans ma tête. Puis il a émit un seul son et il est allé rejoindre les autres. Et tous sont partis.    

    Elizabeth Gawain


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    La Vagabonde

     

     Elle passait ses nuits au Bureau de poste de la cinquième rue. Je pouvais la sentir avant d’avoir tourné le coin où elle avait l’habitude de dormir, debout, dans l’entrée près des téléphones publics. Je sentais l’urine qui suintait à travers ses couches de vêtements sales et l’odeur de putréfaction qui émanait de sa bouche presque complètement édentée. Si elle ne dormait pas, elle marmonnait des bribes de phrases incompréhensibles.   Maintenant ils ferment le bureau de poste à six heures pour que les vagabonds ne puissent pas rentrer, alors elle se roule en boule sur le trottoir sans cesser de se parler à elle-même, sa bouche grande ouverte et comme désarticulée, son odeur diminuée par une douce brise.   Un soir d’Action de grâces, il nous restait tellement de nourriture après le repas que j’ai emballé les restes, me suis excusée auprès des autres et suis allée en voiture jusqu’à la cinquième rue.   C’était une nuit glaciale. Les feuilles tourbillonnaient et les rues étaient presque désertes, tout le monde bien au chaud dans une maison ou dans un abri sauf quelques déshérités. Mais je savais que je la trouverais là.   Elle était vêtue comme elle l’était toujours, même en été: les chaudes couches de laine dissimulant son vieux corps voûté. Ses mains osseuses cramponnées à son précieux chariot d’épicerie. Elle s’était installée près d’une clôture métallique en face du terrain de jeu jouxtant le bureau de poste. «Pourquoi n’a-t-elle pas choisi un endroit mieux protégé du vent?» Je pensait, et présumait qu’elle était si folle qu’elle n’avait pas pensé à s’engouffrer dans une entrée.   J’ai garé ma belle voiture lustrée contre le trottoir, baissé ma vitre et dit: «Maman… voudriez-vous…», moi-même étonnée de m’entendre dire ce mot, «maman». Mais d’une certaine façon elle l’était… elle l’est… bien que je ne puisse pas me l’expliquer.   J’ai répété: «Maman, je vous ai apporté de la nourriture. Voulez-vous de la dinde avec de la farce et de la tarte aux pommes?»   Sur ces mots, la vieille femme me regarda et dit très clairement et très distinctement, ses deux dents du bas branlantes et sur le point de tomber: «Oh, merci beaucoup, mais j’ai assez mangé. Pourquoi n’allez-vous pas donner ça à quelqu’un qui en a vraiment besoin?» Ses mots étaient clairs, ses manières gracieuses. Puis elle me congédia, en renfonçant la tête dans ses guenilles.      

    Bobbie Probstein


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    Les animaux prévoient les catastrophes.

    Il y a quelques années, un jeune écrivain que je connais, habitant à Saint-Cloud, pas très loin de Boulogne-sur-Seine où se trouve ma clinique, fut très étonné, un matin d'été, de constater que sa chienne, un cocker d'habitude très doux, s'employait à empêcher son fils Laurent, sept ans, de sortir de la maison pour aller jouer dans le jardin : elle grognait et montrait les crocs.

    L'enfant, peu impressionné, l'enjamba et sortit : la chienne le suivit en aboyant. L'enfant, croyant à un jeu, se mit à courir ; la chienne courait à ses côtés. Tout d'un coup, elle se jeta sur l'enfant et le mordit à la jambe, le faisant tomber du coup sur le gravier. Alerté par ses cris, le père sortit à son tour, corrigea la chienne de quelques coups de laisse et ramena son fils en pleurs dans la maison. La chienne, elle, donnait de grands signes de nervosité, continuait d'aboyer. Rien ne semblait la calmer.

    Le même soir, sortant dans le jardin pour se rendre chez des amis, le jeune homme sentit le sol se dérober sous ses pieds. Un trou se forma en une seconde, dans lequel il fut précipité. « Je suis resté miraculeusement accroché à une racine, raconta-t-il. Je m'en suis tiré avec une entorse. Le sol de mon jardin, miné par les galeries d'une ancienne champignonnière dont nous ignorions l'existence, s'était effondré. La fissure, profonde, s'était produite à moins d'un mètre de l'endroit où ma chienne, le matin, s'était jetée sur Laurent. S'il avait été à ma place, mon fils serait certainement tombé jusqu'au fond, c'est-à-dire à plus de huit mètres ! »

    Extrait du livre :
    Le 6ième sens des animaux
    Dr Philippe De Wailly

      

     

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    L'accident

     

    La veille de Noël tombait un dimanche cette année-là. Par conséquent, la réunion du groupe de jeunes, qui se tenait habituellement le dimanche soir, allait être une grande célébration. Après le service religieux du matin, la mère de deux adolescentes du groupe me demanda si je pouvais trouver quelqu'un pour conduire ses filles à cette rencontre. Elle était divorcée, son ex-mari avait déménagé et elle détestait conduire sa voiture le soir, surtout qu'on annonçait du verglas. Je lui promis donc d'aller prendre ses filles pour les emmener à la réunion.

    Le dimanche soir, les deux adolescentes étaient assises à côté de moi sur la banquette avant de la voiture, en route vers l'église. En arrivant en haut d'une côte, nous vîmes qu'un carambolage venait de se produire sur un viaduc du chemin de fer juste devant nous. À cause du verglas qui avait rendu la route glissante, je me trouvai incapable de freiner et nous heurtâmes violemment l'arrière de la voiture qui nous précédait. Je me tournai vers les filles pour m'assurer qu'elles n'avaient rien lorsque j'entendis crier celle qui était assise à côté de moi: «Oooh! Donna!». Je me penchai pour voir ce qui était arrivé à sa soeur qui se trouvait près de la fenêtre. À l'époque, il n'y avait pas de ceintures de sécurité dans les automobiles. Donna avait heurté le pare-brise tête première et, quand elle était retombée sur son siège, le bord coupant de la vitre cassée avait creusé deux balafres profondes sur sa joue gauche. Le sang ruisselait. C'était un spectacle horrible.

    Heureusement, parmi les gens qui se trouvaient dans les autres voitures, quelqu'un avait une trousse de premiers soins et appliqua une compresse sur la joue de Donna pour réprimer l'hémorragie. Le policier chargé de l'enquête affirma que l'accident était inévitable et qu'aucune accusation ne serait portée, mais je trouvais épouvantable qu'une belle jeune fille de 16 ans eût à passer sa vie avec des cicatrices sur son visage. Et tout cela s'était produit pendant qu'elle était sous ma responsabilité.

    Dans la salle des urgences de l'hôpital, on la fit voir immédiatement un médecin pour faire coudre sa plaie. L'attente me semblait longue. Craignant des complications, je demandai à l'infirmière pourquoi Donna n'était pas encore sortie. Elle répondit que le médecin de garde se trouvait être un spécialiste de la chirurgie plastique. Les nombreux petits points de suture qu'il faisait prenaient du temps. Cela signifiait également que les cicatrices seraient moins apparentes. Finalement, Dieu était peut-être à l'oeuvre dans tout ce gâchis.

    J'eus du mal à aller rendre visite à Donna à l'hôpital, de peur qu'elle fût fâchée contre moi et qu'elle me blâmât. Comme c'était Noël, les médecins avaient renvoyé des patients à la maison et remis à plus tard les opérations non urgentes. Il n'y avait donc pas beaucoup de patients à l'étage de Donna. Je m'enquérais auprès de l'infirmière de l'état de Donna. L'infirmière sourit et me dit qu'elle allait très bien, qu'elle était en fait un véritable rayon de soleil. Donna semblait heureuse, affirma-t-elle, et ne cessait de poser des questions sur les interventions médicales. L'infirmière me confia que le nombre réduit de patients permettait au personnel infirmier de prendre leur temps et de se trouver des excuses pour aller bavarder avec Donna!

    J'allai voir Donna et lui dis à quel point j'étais navré de ce qui était arrivé. Elle écarta mes excuses et me dit qu'elle mettrait du fond de teint sur ses cicatrices. Puis, avec enthousiasme, elle m'expliqua le travail des infirmières et le pourquoi de leurs interventions. Les infirmières souriaient autour du lit. Donna semblait vraiment très contente. C'était son tout premier séjour à l'hôpital et tout l'intriguait.

    Plus tard, à l'école, Donna devint le centre d'attraction tandis qu'elle décrivait encore et encore l'accident et son séjour à l'hôpital. Sa mère et sa soeur non seulement ne me blâmèrent pas, mais encore elles me remercièrent chaleureusement d'avoir pris soin des filles le soir de l'accident. En ce qui concerne Donna, elle n'était pas défigurée et, effectivement, le fond de teint dissimulait presque entièrement ses cicatrices. Je me sentais donc un peu mieux, mais j'avais encore de la peine pour elle. L'année d'après, je déménageai dans une autre ville et perdis contact avec Donna et sa famille.

    Quinze ans plus tard, je fus invité de nouveau à l'église pour une série de services religieux. Le dernier soir, j'aperçus la mère de Donna qui attendait dans la file pour me dire au revoir. Je frissonnai au souvenir de l'accident, du sang et des cicatrices. Lorsque la mère de Donna fut devant moi, elle arbora un grand sourire. Elle riait presque en me demandant si je savais ce qui était advenu de Donna. Non, je ne savais pas. Est-ce que je me souvenais de l'intérêt qu'elle portait au travail des infirmière? Oui, je m'en souvenais. Puis sa mère me raconta:

    «Eh bien! Donna a décidé de devenir infirmière. Elle a étudié dans ce domaine, a obtenu son diplôme avec mention honorable, s'est trouvé un bon emploi dans un hôpital et a rencontré un jeune médecin; ils ont eu le coup de foudre, se sont mariés et ont deux beaux enfants. Elle voulait absolument que je vous dise que l'accident est la meilleur chose qui lui soit arrivé!»

     Robert J. McMullen Jr.


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