• Bon jeudi !

     

    La forêt et le bûcheron.

    illustration de Gustave Doré

     

    Un Bûcheron venait de rompre ou d’égarer
    Le bois dont il avait emmanché sa cognée.
    Cette perte ne put sitôt se réparer
    Que la Forêt n’en fût quelque temps épargnée.
    L’Homme enfin la prie humblement
    De lui laisser tout doucement
    Emporter une unique branche,
    Afin de faire un autre manche.
    Il irait employer ailleurs son gagne-pain ;
    Il laisserait debout maint chêne et maint sapin
    Dont chacun respectait la vieillesse et les charmes.
    L’innocente Forêt lui fournit d’autres armes.
    Elle en eut du regret. Il emmanche son fer.
    Le misérable ne s’en sert
    Qu’à dépouiller sa bienfaitrice
    De ses principaux ornements.
    Elle gémit à tous moments :
    Son propre don fait son supplice.

    Voilà le train du Monde et de ses Sectateurs :
    On s’y sert du bienfait contre les bienfaiteurs.
    Je suis las d’en parler ; mais que de doux ombrages
    Soient exposés à ces outrages,
    Qui ne se plaindrait là-dessus ?
    Hélas ! j’ai beau crier et me rendre incommode :

    Moralité: Ne jamais donner sa faveur au malappris qui peut vous faire outrage !  


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  • Bon mercredi !

     

    Sur les 240 fables écrites par Jean de La Fontaine qui ont été publiées en 3 recueils, celles que nous avons apprises sont aussi les plus connues de tous, et les autres ? j'en découvre de superbes que je laisse à votre appréciation.

    L'aigle et la pie.

    L'aigle, Reine des airs, avec Margot la Pie,
    Différentes d'humeur, de langage et d'esprit,
                        Et d'habit,
            Traversaient un bout de prairie.
    Le hasard les assemble en un coin détourné.
    L'Agasse eut peur ; mais l'Aigle, ayant fort bien dîné,
    La rassure, et lui dit : Allons de compagnie.
    Si le Maître des Dieux assez souvent s'ennuie,
            Lui qui gouverne l'univers,
    J'en puis bien faire autant, moi qu'on sait qui le sers .
    Entretenez-moi donc, et sans cérémonie.
    Caquet bon-bec alors de jaser au plus dru,
    Sur ceci, sur cela, sur tout. L'homme d'Horace ,
    Disant le bien, le mal à travers champs , n'eût su
    Ce qu'en fait de babil y savait notre Agasse.
    Elle offre d'avertir de tout ce qui se passe,
            Sautant, allant de place en place,
    Bon espion, Dieu sait. Son offre ayant déplu,
            L'Aigle lui dit tout en colère :
            Ne quittez point votre séjour,
    Caquet bon-bec, mamie : adieu ; je n'ai que faire
            D'une babillarde à ma cour ;
            C'est un fort méchant caractère.
            Margot ne demandait pas mieux.
    Ce n'est pas ce qu'on croit, que d'entrer chez les Dieux ;
    Cet honneur a souvent de mortelles angoisses.
    Rediseurs , Espions, gens à l'air gracieux,
    Au cœur tout différent, s'y rendent odieux,
    Quoique ainsi que la Pie il faille dans ces lieux
            Porter habit de deux paroisses .

    Moralité: Il vaut mieux avoir peu d’information mais intéressante, que beaucoup d’information dans laquelle est noyé l’essentiel.

     


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  • Bon mardi !

     

    Dans l’interminable …

    Paul Verlaine

    Dans l’interminable
    Ennui de la plaine,
    La neige incertaine
    Luit comme du sable.

    Le ciel est de cuivre
    Sans lueur aucune,
    On croirait voir vivre
    Et mourir la lune.

    Comme des nuées
    Flottent gris les chênes
    Des forêts prochaines
    Parmi les buées.

    Le ciel est de cuivre
    Sans lueur aucune.
    On croirait voir vivre
    Et mourir la lune.

    Corneille poussive
    Et vous, les loups maigres,
    Par ces bises aigres
    Quoi donc vous arrive ?

    Dans l’interminable
    Ennui de la plaine
    La neige incertaine
    Luit comme du sable.


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  • Bonne semaine !

     

    Où l’on découvre un curieux métier.

     

    Paris, dans les années 1800. Des bourgeois et leurs enfants essaient
    tant bien que mal de tenir debout sur une longue planche à roulettes.
    Ce genre de scène est très rarement représenté en peinture.
    Est-ce un nouveau sport à la mode ? Ils ne sont pourtant pas habillés
    pour un exercice physique...

    L'explication est ailleurs. À l’époque, les rues sont mal pavées
    et dépourvues de trottoirs.
    Il suffit qu’il se mette à pleuvoir et la chaussée devient carrément
    impraticable pour les piétons !

    "Un large ruisseau coupe quelquefois les rues en deux […]
    À la moindre averse, il faut dresser des ponts tremblants"
    écrit ainsi l’écrivain Louis-Sébastien Mercier.

    Et c’est ce que représente ici Louis Léopold Boilly.
    Sur son tableau, intitulé L’Averse, l'une des femmes relève les pans
    de sa robe et avance sur la planche d’un pas hésitant.
    Le peintre décrit une scène banale du quotidien :
    c’est la spécialité de l’artiste, qui aime saisir la vie urbaine sur le vif.

    Heureusement pour nous, aujourd’hui plus besoin de passeurs à Paris,
    les trottoirs nous permettent de garder les pieds au sec !

    Louis Léopold Boilly, L'Averse, dit aussi Passez, payez, vers 1805, 32 x 40 cm,

    Musée du Louvre, Paris

    Boilly est d’ailleurs souvent qualifié de premier "peintre de la vie moderne".

     
     

     


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  • Bon dimanche !

     L'hermine et l'hiver.

     

    Un jour d'hiver, alors que la forêt était recouverte d'un beau manteau blanc,
    l'hermine se promenait pendant que ses amis dormaient en attendant
    le retour du printemps.
    « Que vais-je bien pouvoir faire, se demanda-t-elle, je m'ennuie toute seule »
    Elle essaya bien de réveiller quelques-uns de ses amis :
    l'écureuil, le hérisson, mais elle n'y parvint pas.
    « Bon, se dit-elle, puisque tout le monde dort et même Hector,
    le grand ours, je vais en profiter pour le taquiner. » Elle s'approcha doucement du museau d'Hector et souffla très fort.
    Celui-ci, qui ne dormait que d'un œil, poussa un grognement
    de mécontentement si impressionnant que l'hermine devint blanche de peur
    et s'enfuit à toutes pattes.
    Cependant, en se promenant ainsi le poil tout blanc, elle s'aperçut
    qu'on ne la remarquait pas et pouvait facilement échapper au loup et au renard.
    C'est pourquoi maintenant l'hermine garde son manteau blanc
    l'hiver en se faisant peur toute seule.


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